Histoire de SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES
Un peu d'histoire, par M. Pierre Eberhardt
Le site de Saint Thibault des Vignes est en partie sur une colline à l'altitude de 97 mètres, alors que la prairie est 50 mètres plus bas. Son territoire d'une superficie de 459 hectares, est coupé au sud-ouest par le ru de la Gondoire qui se jette dans la Marne à Torcy.
Dans toute la région, l'occupation humaine remonte à la préhistoire. Si quelques outils en silex ont été trouvés en différents endroits de la commune, celle-ci n'apparaît dans l'histoire que dans la seconde moitié du XIè siècle.
À cette époque, l'abbaye voisine de Saint-Pierre de Lagny, fondée avant 650 par l'Irlandais Fursy, est administrée par Arnoul de Tournois, apparenté aux comtes de Champagne, et descendant de Charlemagne. Arnoul a un frère, Thibaud, né à Provins vers 1030, et que l'on appellera plus tard saint Thibaud de Provins. La commune lui doit son nom, assorti de référence aux vignes, si nombreuses autrefois.
Attiré très jeune par la vie religieuse, Thibaud quitte sa ville natale. Après un séjour au Luxembourg, il se fixe en Italie, et y mène une existence solitaire favorisée par des miracles et des visions. Il décède le 30 Juin 1066 à Salanique, dans l'actuelle Vénétie. Son corps est ensuite enterré dans la cathédrale de Vicenze, où d'autres miracles se produisent. Vers 1073, la pape Alexandre II canonise Saint Thibaud, dont la fête, marquée le 1er Juillet, est de nos jours célébrée le 8 juillet.
En 1078, Arnoul de Ternois se rend en Italie, et en rapporte plusieurs reliques de son frère, ossements et cilice, déposés à l'abbaye de Lagny. L'évènement est à l'origine du Prieuré de Saint Thibaud des Vignes, donc de la commune. La fondation du prieuré intervient après le creusement d'un puits, dont l'eau se révèle miraculeuse au contact d'ossements du saint. C'est le puits Saint Thibaud, fréquenté par les malades jusqu'à sa disparition vers 1835. Il se trouvait dans la ruelle des Bas-Bouts.
Issu de l'abbaye de Lagny, le nouveau prieuré reçoit des comtes de Champagne la terre de Saint Thibault des Vignes et celle de Saint Germain des Noyers. Cette situation durera jusqu'en 1789. La création du prieuré s'accompagne de la construction de l'église actuelle, où sont transférées les reliques de Saint Thibaud, objet d'un pélerinage renommé. Celui-ci décline peu à peu, et le prieuré devient un simple bénéfice, attribué d'abord à un religieux de l'abbaye de Lagny, avant de passer en commende.
Quelques habitations se sont regroupées autour du prieuré, assez pour qu'en 1543-1544 la nécessité d'une paroisse s'impose. Le cardinal Jean de Bellay, évêque de Paris, en prend l'initiative auprès de l'abbé de Lagny et du prieur de Saint Thibault des Vignes. Avec leur accord, la paroisse est érigée, l'église servant au culte. Composée surtout de vignerons, la paroisse n'atteindra pas les 200 habitants. Son histoire se ressent de celle de Lagny : guerres, invasions, épidémies, etc. Son activité est agricole, les terres étant également partagées entre la vigne, la culture, la prairie. La paroisse a son curé, nommé par les prieurs. Ceux-ci ne résident pas sur place, mais seigneurs spirituels et temporels du lieu, ils en régissent la vie quotidienne. En 1720-1725, le prieur François Magnien règle les limites, la chasse et la justice avec Rentilly, Torcy et Lagny. François Magnien n'est plus en charge quand, en 1737, il fonde à l'hôpital général de Magny un lit en faveur d'un pauvre malade, infirme ou orphelin, de Saint Thibault des Vignes. C'est une mesure sociale qui sera souvent utilisée, et encore revendiquée en 1921 par la commune.
La commune est née avec la Révolution. Le premier maire est Jean Sellier, élu en janvier ou février 1790. Il a pour successeur Jacques Chauvigny en 1791, avant de retrouver les mêmes fonctions en 1793 jusqu'en 1798. La révolution est calme à Saint Thibault des Vignes. En février 1791, on vend le prieuré supprimé, devenu bien national, avec sa ferme. Le château, construit au XIXè siècle, en garde le souvenir, les dépendances de la ferme se trouvant vers la mairie actuelle. On vend aussi le presbytère en 1796, et la maison d'école en 1797, alors que l'église est dépouillée de son argenterie et de deux de ses trois cloches. En avril 1792, un nouveau curé est élu, Jean Antoine Roux. Le 9 janvier 1794, on plante un arbre de la fraternité, probablement sur la place, pour fêter la prise de Toulon.
Le maire Jean Thomas, en fonction depuis 1798, décède en 1812. L'année précédente, le village a vu se poser Mme Blanchard, la courageuse aéronaute qui lançait, du haut de son ballon, des proclamations sur la naissance du Roi de Rome.
Les invasions de 1814 et 1815 causent bien des dévastations. À la Restauration, en 1815, on arbore le drapeau blanc au clocher, et en 1830, c'est au tour du drapeau tricolore. En 1840, la commune reçoit un maire efficace, Louis Luc Donatien EnguÈrand, en poste pendant vingt-six ans. Saint Thibault des Vignes lui doit la première mairie-école, un lavoir, des réparations à l'Église, le déplacement du cimetière, etc.
La commune se transforme lentement. À la vigne qui disparaît, succèdent des pruniers, puis des pommiers de l'espèce « faro », dont la production est importante. Plusieurs fermes exploitent désormais le territoire, alors que le commerce s'implante timidement sur la place.
C'est à l'écrivain Louis Jacolliot, excellent administrateur, que remonte la mairie-école, inaugurée le 14 octobre 1888. En 1896, le docteur Achille Demars est élu maire, et il l'est encore en 1914. Entre les deux guerres, la période est marquée par des constructions nouvelles dans une commune où il y a beaucoup à faire. Un maire énergique, Georges Deharvengt, est élu en 1932. démissionnaire en 1938, il est remplacé par Édouard Thomas, lui-même remplacé en octobre 1939 par une délégation spéciale. Au début de juin 1940, le maréchal Pétain s'arrête quelques instants au château, propriété du père de l'une de ses infirmières. Puis c'est l'occupation avec ses difficultés.
En 1944, Édouard Thomas, redevient maire. Sous son administration, est construit le groupe scolaire de la rue de Lagny, qui porte son nom, et permet de libérer la totalité de la mairie. Pourvu du gaz en 1910 et de l'électricité en 1929, Saint Thibault des Vignes reçoit l'eau potable en 1958, alors que s'installe l'importante conserverie William Saurin.
À M. Robert Lhomme, adjoint, puis successeur d'Édouard Thomas sont dus les logements HLM du square John F. Kennedy, une rénovation de la mairie, la restauration de l'Église, des travaux d'urbanisme...
Avec M. Marc Brinon, élu en 1971, la commune aborde un tournant décisif dans son histoire. Lié à la ville nouvelle de Marne la Vallée, Saint Thibault des Vignes connaît un développement sans exemples. Le quartier des Sablons, la zone d'activités économiques sont autant de réalisations suivies d'équipements dans les domaines de l'enseignement, de l'urbanisme, de l'administration, des loisirs.
Saint Thibault des Vignes a grandi, ce que montre l'évolution de sa population : 200 habitants en 1791, 172 en 1851, 303 en 1901, 634 en 1954, 1228 en 1975, 6271 aujourd'hui.
Le seul monument de Saint Thibault des Vignes, mais il est de valeur est son église dédiée à saint Jean Baptiste qui fut celle du prieuré. Devenue paroisse au XVI siècle, l'Église garde quelques traces des modifications survenues à ce moment là : remaniement du clocher, charpente de la nef et de l'abside, arc à l'entrée du chœur. L'Église primitive comportait une nef de quatre travées et deux bas-côtés. Elle a été réduite à son état présent, alors qu'on édifiait la façade vers 1750. L'ancienne façade s'élevait dans l'axe de l'entrée de la mairie.
Àdiverses reprises, des travaux ont été exécutés pour sauver le bâtiment qui tombait en ruine. Mais il réclamait des soins plus impérieux, tant pour la maçonnerie que pour la mise en valeur de l'architecture. C'est ce que la commune a réalisé en 1969-1972. Ont été repris ou refaits une pile et l'arc du chœur, différents arcs et colonnes, le sol intérieur, la charpente et le planfond de la nef et de l'abside, le ravalement des murs intérieurs, de la façade et d'une partie du clocher, le portail d'entrée, la couverture du chœur, le chauffage, l'éclairage, etc... Ces travaux sont allés de pair avec une restauration archéologique, qui souligne le grand intérêt de l'Église de Saint Thibault des Vignes.
Cet intérêt se manifeste dans les gros chapiteaux historiés de la nef, dont certains sont bien conservés : tentation d'Adam et Ève, Ève allaitant Caïn, résurrection de Lazare, martyr de Saint Vincent, ou de Saint Laurent. Le décor sculpté s'agrémente de masques et de rinceaux, que l'on retrouve dans les petits chapiteaux des colonnettes de l'abside. Cet ensemble d'un bon style date de la fin du XIè siècle.
Le mobilier de l'Église est plus récent, du XVI au XVIII siècle : fonts baptismaux, tabernacle, statues, dont celle de Saint Vincent, patron des vignerons, jadis fort honoré. La cloche date de 1899.
Avant d'être la nourrice du Roi de Rome, Marie Victoire Joséphine Molliex-Gozé (1787-1846) avait épousé un vigneron de Saint Thibault des Vignes, Pierre Vincent Auchard (1779-1815), ce qui lui permit de revenir dans la région et d'habiter ensuite Lagny, où elle est décédée.
Louis Jacolliot (1837-1890), qui fut maire de la commune, est un écrivain à la production abondante, parfois dans la ligne de Jules Verne. Il a écrit des récits de voyages aux Indes, des traités de Philosophie et de magie, des pièces de théâtre. Le tout comprend une cinquantaine de titres et plusieurs revues. Au cimetière de Saint Thibault des Vignes, une pierre tombale dégradée recouvre ses restes, dans une concession accordée par la commune. Une autre tombe avec médaillon de bronze rappelle le souvenir du docteur Achille Demars (1858-1919), maire de 1896 à son décès, des suites de blessures reçues pendant la guerre de 1914-1918, qu'il fit comme médecin major.
Un autre écrivain, Emmanuel Grévin (1880-1948), imprimeur réputé à Lagny, a possédé la château de la commune, dont il a dirigé les destinées en 1939-1940. Il a laissé plusieurs ouvrages sur le Maghreb qu'il affectionnait.
C'est une célébrité bien différente qui entoure Eugène Carrouy, membre de la bande à Bonnot, qui se refugie en 1911 à Saint Thibault des Vignes avec sa maîtresse Jeanne Bélardi.
Le deuxième dimanche de septembre, Saint Thibault des Vignes célèbre sa fête communale, appréciée par les habitants que l'on peut appeler des Théobaldiens.

Texte trouvé dans l'agenda 2000 de Saint-Thibault-des-Vignes distribué gracieusement par la commune. Je l'ai recopié tel quel en respectant les fautes de typographie.

tout77.com - Le Guide de la Seine et Marne